Le site est immense, le plus souvent désert. On s’y enfonce comme dans un rêve, loin du bouillonnement de Tripoli, la deuxième ville du Liban, frôlé par la caresse des fantômes rôdant entre les pyramides rétrofuturistes, les arches sinusoïdales aux proportions impériales, les palais orientaux revisités à la sauce moderniste et autres fleurs de béton sorties de l’imagination du grand architecte brésilien Oscar Niemeyer.
Les chiens errants, les quelques joggeurs du dimanche et les skateurs qui font claquer leurs planches dans le silence des grands bassins vides, quand ils ne dévalent pas sur les fesses la pente des gros dômes de béton, ne font qu’ajouter à l’étrangeté ambiante.
Héliport, bowling, théâtre en plein air…
Entourée d’une palissade de béton, gardée par des vigiles plus ou moins attentifs, la Foire internationale de Tripoli, aussi appelée Foire Rachid-Karamé, n’est pas seulement cette collection d’architecture fantastique soustraite au regard du monde dont Oscar Niemeyer lui-même donnait l’impression d’en avoir oublié l’existence.
Au point que celui qui naquit en 1907 à Rio de Janeiro et est mort en 2012 dans la même ville y a très peu fait référence dans ses écrits, l’ensemble étant souvent éclipsé par les réalisations plus célèbres – la conception de Brasilia (avec Lucio Costa) ou le siège du Parti communiste, à Paris. Un oubli sans doute dû au destin de cet ensemble, conçu pour accueillir des espaces d’exposition et un théâtre, tombé en ruine avant même d’avoir été terminé, et qui porte en lui les germes et la faillite du rêve moderne libanais.
La foire devait assurer le rayonnement international du Liban et stimuler le développement du nord du pays.